Scholars for Myanmar - မြန်မာအတွက် တတ်သိပညာရှင်များ

Nous, universitaires et professionnels du monde entier travaillant sur l'Union du Myanmar, vous écrivons, car nous pensons que le moment est venu pour les gouvernements du monde entier de soutenir efficacement la lutte pour la démocratie au Myanmar en reconnaissant et en soutenant le nouveau Gouvernement d'Unité Nationale.

Le 1er février 2021, l'armée du Myanmar (la Tatmadaw) a initié sa tentative de Coup d’État au Myanmar, violant ainsi la constitution qu'elle avait elle-même rédigée. Malgré ses actions pour compenser son manque de légitimité en terrorisant brutalement la population dans le but de la soumettre, la Tatmadaw n'a jusqu'à présent pas réussi à établir un contrôle significatif de l'État. En raison de la résistance massive de la population, la Tatmadaw n'a pas été en mesure d'établir un contrôle sur l'administration publique, l'économie et la population du Myanmar, et elle a d’ailleurs perdu des contrôles territoriaux dans les zones frontalières. Le coup d'État n'est donc en aucun cas un fait accompli.

Entre temps, le « Comité représentant le Pyidaungsu Hluttaw [Parlement de l'Union] » (CRPH) a été formé par des membres du Parlement du Myanmar démocratiquement élus lors des élections du 8 novembre 2020. Ces élections ont été jugées crédibles par des observateurs indépendants, mais aussi par pays démocratiques. Dans une démonstration d'unité inédite depuis des décennies dans le pays, le CRPH s'est engagé dans la mise en place d’une coalition et s'est associé au Mouvement de Désobéissance Civile (MDP), aux comités de grèves, aux syndicats, aux organisations de la société civile et aux organisations politiques et armées (représentants des nombreux groupes ethniques du pays). Le 16 avril, un Gouvernement d'Unité Nationale (NUG) a été établi sur la base d'une Charte fédérale de la démocratie provisoire. Le NUG jouit ainsi d'une légitimité non seulement à travers les élections de 2020, mais aussi grâce au large soutien de la population du pays et des groupes de la diaspora. Les organisations ethniques armées (EAO) incluses dans le NUG exercent également leur autonomie et leur souveraineté sur diverses régions / territoires.

Cela n’est en rien une réalisation mineure. Le Myanmar a toujours été en proie à des divisions ethniques, religieuses et politiques. Bien que nous reconnaissions la nécessité pour le NUG d'évoluer afin d’inclure des voix plus diverses, y compris celles des Rohingyas, il y a maintenant une chance historique que l'unité nouvelle au sein de la population puisse débarrasser le Myanmar du régime militaire et conduire le pays sur la voie d’une démocratie fédérale qui peut également mettre fin à la guerre civile de plus de sept décennies - un processus qui doit recevoir un soutien mondial afin de garantir que les promesses d'exclusivité et de fédéralisme faites maintenant seront tenues plus tard.

Bien que ce soit une bataille difficile, c'est aussi la seule option viable pour le moment. Toute tentative de médiation ou de « compromis » pour revenir au statu quo reposant sur des vœux pieux va à l'encontre de la volonté exprimée par le peuple du Myanmar. Cette volonté est représentée par leur gouvernement élu, le NUG, et illustrée par la mobilisation massive des citoyens du Myanmar pour exiger la démocratie. La Tatmadaw a elle-même détruit toute confiance demeurant dans sa propre « feuille de route pour une démocratie florissante » en massacrant sa propre population et n'a fait aucune tentative pour désamorcer la situation et trouver un compromis.

Dans tous les cas, pays démocratiques ne sont certainement pas en mesure de jouer un rôle de médiateur dans un scénario négocié au Myanmar. Cela devrait être laissé aux Nations Unies et aux acteurs régionaux. Les pays démocratiques devraient au contraire se tenir expressément aux côtés du peuple du Myanmar dans sa lutte pour la démocratie. Nous devons aller au-delà des mesures purement punitives et trouver des moyens de soutenir activement les forces démocratiques. La meilleure façon d'y parvenir est de reconnaître et de soutenir publiquement le NUG en tant que gouvernement légitime de la République de l'Union du Myanmar. Étant donné que Pays démocratiques ont déjà condamné le coup d'État militaire et appelé au « rétablissement de la démocratie », la reconnaissance du NUG devrait être la prochaine étape logique du processus.

La position « Nous ne reconnaissons que les États, pas les gouvernements » ne doit pas être utilisée comme une excuse. Outre le fait qu'il existe des exemples récents où des États membres de l'UE ont déclaré la reconnaissance de gouvernements dans des affaires contestées, il se produira inévitablement des situations exigeant une reconnaissance implicite du « Conseil administratif d’État » (SAC) illégitime de la Tatmadaw ou du NUG légitime, comme la récente crise concernant l'ambassade du Myanmar à Londres l'a montré.

Le temps presse. Plus de 785 personnes ont déjà été tuées, dont douzaines d’enfants. Le pays entier est terrorisé par une armée qui se comporte comme un cartel criminel lourdement armé et incontrôlable. Dans les régions frontalières, la guerre civile vieille de plus de 70 ans s'intensifie, des civils sont bombardés par l'armée de l'air et des réfugiés tentent de fuir vers l'Inde et la Thaïlande. Les semaines et les mois à venir détermineront si le pays repart pour potentiellement des décennies de dictature incompétente, brutale et dévastatrice sous une armée qui est accusée de génocide et de crimes contre l'humanité par l'ONU, entraînant ainsi une accusation de génocide devant la CIJ, ou si le peuple du Myanmar aura la possibilité de faire face à ses multiples défis de manière démocratique et de démanteler une fois pour toutes les structures qui permettent aux élites militaires d'exercer une influence indue à travers le pays.

Pays démocratiques, qui ont déclaré la promotion de la démocratie et des droits de l'homme au centre de leur politique étrangère, peuvent et doivent jouer leur rôle pour soutenir cette tâche capitale, qui aura un effet positif pour la démocratisation dans son ensemble. Le peuple du Myanmar se rappellera toujours de ceux qui auront été de leur côté pendant ces temps périlleux.